Au cours de cette présentation, je compte défendre la thèse qu'il n'est pas pédagogiquement approprié — sauf en de quelques rares exceptions — d'introduire les étudiantes et les étudiants du cégep à la philosophie par le biais des textes de la tradition grecque. Je tâcherai de montrer que l'immense majorité des textes philosophiques anciens qui sont parvenus jusqu'à nous ne s'adressent tout simplement pas à des jeunes comme ceux auxquels nous devons enseigner. En effet, la lecture profitable de la plupart de ces textes exige des expériences politiques, académiques, intellectuelles, émotionnelles et culturelles rarement acquises avant 30 ans et que l'immense majorité de nos étudiants n'ont par conséquent jamais réalisés. Ces textes présupposent aussi que leurs éventuels lecteurs se destinent, par leurs capacités et leurs intérêts, à une carrière « libérale » — politique, scientifique, artistique, entrepreneuriale ou administrative plutôt que seulement technique et apolitique.

J'examinerai ensuite l'objection démocratique à l'effet que l'étude des philosophes grecs pourrait convenir à former de bons citoyens. En réponse à cette objection, je tenterai de faire valoir que si la philosophie grecque peut effectivement servir l'éducation démocratique, elle ne peut avoir d'impact qu'à la condition que les étudiantes et les étudiants soient tout d'abord (a) curieux de connaitre l'univers qui dépasse les frontières de leur microcosme personnel, (b) intéressés par le sort heureux ou malheureux de leurs concitoyens, (c) disposés à s'engager politiquement en vue de réaliser des idéaux qui dépassent la satisfaction de leurs intérêts égoïstes et (d) convenablement introduits à la culture grecque de l'antiquité et au langage employé dans les textes philosophiques de cette période. Or, ces conditions ne sont presque jamais remplies.

Enfin, je m'efforcerai d'apporter des solutions concrètes au problème qui découle des considérations qui précèdent, à savoir que le devis pour le cours de 101 nous enjoint semble-t-il à réaliser l'impossible.