Le projet d'une théorie critique du capitalisme présuppose un décloisonnement des savoirs de leur sphère d'activité spécialisée. On peut déjà repérer cette idée chez le jeune Marx lorsqu'il appelait à un « dépassement de la philosophie » (Marx, 1844), et dans l'interdisciplinarité générale qui traverse la méthode marxiste. Cet appel à « l'ouverture » des savoirs (Wallerstein, 1996) demeure
crucial aux heures où la décolonisation épistémique est centrale aux yeux d'une nouvelle théorie critique ancrée dans les rapports Nord-Sud (Mignolo, 1996 ; Quijano, 2020). Néanmoins, le danger serait d'autonomiser le savoir de ses conditions matérielles d'existence, d'où l'intérêt d'une réflexion sur les rapports sociaux qui reconduisent les formes de pensées hégémoniques (Gramsci, 1977). Ancrée dans les théories modernes de l'impérialisme, notre thèse sera qu'une théorie critique doit demeurer arrimée au mouvement de l'accumulation du capital et des rapports politiques qui s'en dégagent. Le moment actuel est celui de l'impérialisme informel, étroitement lié au développement du régime d'accumulation néolibéral (Harvey, 2004).