Nous tenterons de montrer comment, au sein des Essais, Montaigne n'a cessé de formuler une parole où le jugement, intimement lié au projet de se peindre, et de dévoiler le moi, situé précisément entre la présomption et la crédulité, se doit de s'exercer librement, c'est-à-dire de ne pas succomber à l'autorité de la croyance, ainsi qu'à l'autorité d'une vision nous présentant l'être en tant qu'il nous est clairement communiqué. Si donc, « le monde n'est qu'une branloire perenne » (III, ii), et que « la constance mesme n'est autre chose qu'un branle plus languissant » (III, ii), alors il nous faudra nous diriger, à tâtons, dans la démarche de connaissance, tout en essayant de discourir au sujet de l'être sans perdre de vue que la liberté, envers soi et le monde, en ce qu'elle représente le modus operandi du jugement, est la seule chose dont on puisse en soutenir la constance.