"Au chevet du malade : clinique et niveau de scientificité de la médecine hippocratique"
Laetitia Monteils-Laeng  1@  
1 : Université de Montréal
2900 Boulevard Edouard-Montpetit, Montréal, QC H3T 1J4 -  Canada

Table-ronde "Recherches actuelles en philosophie ancienne"

La médecine hippocratique se veut une pratique qui se nourrit d'observations particulières relatives aux dispositions individuelles du patient (Epidémies I-VII). Cette attention portée à l'unicité de chaque cas (Ancienne médecine [Anc.] 9) n'interdit-elle pas aux auteurs du CH d'élaborer un véritable discours scientifique?

L'auteur du livre I des Epid. enregistre sans interpréter ce qu'il constate. Il note les symptômes, les circonstances, les événements jugés significatifs. Maladies et traitements se comprennent comme des interactions agonistiques entre maladies, milieux et tempéraments individuels (Lieux dans l'homme, IV, 2; Régime des maladies aiguës, 7-8). Cette étiologie interactive suppose la connaissance des relations causales entre un milieu, des données épidémiologiques et symptomatiques (Airs, Eaux, Lieux), un régime (Régime II-III; Anc. 20). Les fiches de malade composant les sept livres des Epid. se veulent une banque de données, potentiellement utiles pour mettre à jour des régularités chronologiques dans l'apparition des symptômes Pour la plupart des auteurs CH, le nombre réel de maladies est indéterminé. Chaque cas est unique. La scientificité du savoir médical ne se traduit pas par l'énoncé de lois universellement valables. Il s'agit néanmoins de théoriser une méthodologie visant à surmonter la fragmentation dans laquelle les immerge la considération des singularités des patients. Par le raisonnement, plus précisément le pronostic (Pronostic 1-2; Epid. I, 5 ; Anc. 5 et 12), il s'agit de hiérarchiser les symptômes, de reconstituer des causes invisibles, pour élaborer une méthode par laquelle on pourra prendre des décisions dans des circonstances le plus souvent obscures.

L'attention particulière que les médecins hippocratiques ont pour les particularités de leur patient (genre, âge, origine géographique) les conduit à produire une image diversifiée de la santé, mais aussi à voir dans le malade autre chose qu'un patient ignorant d'un savoir dont le médecin serait le seul dépositaire.

 


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