Le rapport inquisitorial du béguinage Ste-Élisabeth de Valenciennes en 1323 confirme que, d'un côté, Marguerite Porete, ou Marghoneta dénommée par ce document, était jadis membre de ce béguinage renommé ; et de l'autre, les béguines valenciennoises et tous leurs protecteurs n'avaient jamais défendu leur consœur Marguerite. Isolés et énigmatiques, la documentation existante et le Miroir nous permettent pourtant d'esquisser la sphère de la vie mondaine de Marguerite et de découvrir les individus et les groupes qui avaient des interactions avec elle, y compris les dirigeants (procureur, magistrae, prêtres, Conseil), les béguines contemporaines, divers religieux locaux, ainsi que les trois clercs qui la favorisaient. Mon étude montre que le béguinage Ste-Élisabeth de Valenciennes possédait tous les fondements matériels et spirituels nécessaires à une vie à la fois active et contemplative au Moyen Âge, et qu'il a aussi développé un système spécial de gestion en formant un réseau de solidarité pour maximiser ses intérêts. Plus précisément, au sein d'une paroisse indépendante constituée depuis les années 1250s, les magistrae et les béguines elles-mêmes jouissaient un haut degré d'autonomie à choisir leurs gouverneurs de tous les niveaux, qui conservaient souvent des liens étroits avec les seigneurs hennuyers (comtes ou comtesses de Hainaut) au cours des XIIIe et XIVe siècles. Une communauté aussi bien établie avec le soutien solide ne tolérait pas les membres troublants représentés par Marguerite Porete, et était capable de faire face à tous les défis que celle-ci y apporterait. Il est raisonnable de croire que le séjour de Marguerite à Valenciennes était moins durable et bienvenu, bien que sa condamnation ait vraiment causé un certain désarroi au Ste-Élisabeth.