Décloisonner l'enseignement philosophique en réfléchissant aux apports d'une pédagogie plus incarnée est ce que nous proposons de discuter au cours de cette table ronde. Tout récemment, des chercheur-es en éducation et en arts de la scène ont publié l'ouvrage Engager le corps pour enseigner et apprendre : diversité de perspectives (Duval et al. 2022). En s'inspirant de cette démarche nous questionnons comment mettre le corps au centre de l'apprentissage et quels en sont les avantages. C'est donc une pédagogie incarnée inspirée des pédagogies féministes, notamment celles de l'éducation populaire et de l'inconfort, mais aussi somatiques que nous discuterons ici.
Historiquement, la philosophie de l'antiquité accordait une place importante au corps dans l'éducation et la philosophie, par exemple l'« art choral » comprenait notamment la gymnastique et la danse (Platon, Les Lois, II 673d ; VII 795e, trad. L. Brisson et J.F. Pradeau). Aujourd'hui, si le corps est une ressource pédagogique reconnue (Duval et al. 2022, p. 3-4-5), son utilisation reste limitée à l'université et alimente des rapports de domination par négation des vécus corporels. Tel que l'explique bell hooks, nier le corps alimente le mythe d'une classe neutre permettant de normaliser certains comportements associés aux classes sociales dominantes (hooks, 1994). Or, cette normalisation restreint l'apprentissage des étudiant-es venant de groupes sociaux non-dominants.
Pour répondre à la question, comment mettre le corps au centre de l'apprentissage, nous nous pencherons d'abord sur la terminologie en précisant la notion de “corps”. Nous discuterons ensuite sur les manières dont le corps a été inclus dans l'apprentissage à travers l'histoire en philosophie et en danse. Enfin, nous discuterons des enjeux pédagogiques, politiques et épistémologiques concernant la place du corps dans l'apprentissage. Par exemple quels seraient les dispositifs pédagogiques à mettre en œuvre pour apprendre avec le corps et accéder à des savoirs à partir du corps ?