L'étranger est par définition celui qui est autre. Son statut d'autre dépend d'un rapport dans lequel il est partie prenante (être) en même temps que partie distincte (autre), ce qui lui donne un certain avantage épistémologique pour aborder le monde qui l'entoure. Le philosophe qui réfléchit sur l'être, tout en étant immergée dans sa propre existence, ne doit-il tenter de se faire étranger afin d'arriver à une connaissance théorique délestée de tout préjugé ? En ce sens, nous tenterons de démontrer la fécondité de l'attitude de l'étranger en philosophie, une attitude qui a pour effet de révéler le caractère parfois étrange de situations qui nous paraissaient, auparavant, aller de soi. En effet, cette attitude nous semble être directement en lien avec la définition du philosophe et de son entreprise de connaissance. Une exploration philosophique et sociologique du concept de l'étranger, grâce aux travaux de Georg Simmel, nous permettra de voir que l'étranger est celui qui reste. Nous élaborerons le caractère conceptuellement riche de ce paradoxe, qui place l'étranger entre étrange et familier, notamment à travers l'étude symbolique de la porte et du pont. Nous verrons, que le procédé littéraire de l'étrange est un moyen efficace de donner à voir le recul propre à la posture de l'étranger vis-à-vis du monde. Enfin, pour aller plus loin, nous basculerons sur la question de « l'étrangeté », nous mettrons en lien le concept d' « inquiétante étrangeté » que l'on trouve chez Freud avec la démarche phénoménologique d'étonnement face au monde, décrite par Merleau-Ponty. En outre, par l'entremise de l'étranger et de l'étrange, on parvient à voir le monde que l'on pensait familier se dévoiler sous un angle philosophique de questionnements et d'incertitudes. En outre, dans ce travail nous aborderons le décloisonnement comme l'indice d'un nouveau type de connaissance qui laisse une place à l'incertitude.