Une bonne partie de la littérature sur le conspirationnisme se résume à un étonnement bien légitime, que nombre d'entre nous partageons d'emblée: "mais comment diable les gens peuvent-ils croire en de telles choses?". Cette curiosité a motivé une abondante littérature sur le conspirationnisme, depuis les textes fondateurs de Popper et de Hosftadter, les approches contemporaines mettant de l'avant les facteurs cognitifs, psycho-pathologiques, politiques ou identitaires de l'adhésion aux théories du complot.

Or, il manque à cette description des risques et des vulnérabilités face au conspirationnisme une description des processus de persuasion par lesquels les discours conspirationnistes arrivent à convaincre de la véracité de ce qu'ils avancent. C'est en ce sens que nous nous intéresserons aux marqueurs de crédibilité qui soutiennent ces discours dans les médias sociaux. Nous décrirons plus précisément comment ces discours arrivent à cosntruire une mise en scène crédible de l'expertise, qui contraste avec son amateurisme patent (Cassam).

Deux catégories d'arguments peuvent venir défendre les prétentions épistémiques de discours. D'abord un raisonnement procédant par indices (Ginzburg), établissant la preuve à grand renfort de faits, pêchant même par l'excès et formant un inextricable mille-feuille argumentatif fortien (Bronner). Ces coïncidences disparates enrichissent les collections d'anomalies du réel qui, cumulées, révèlent l'existence de la contre-réalité supposée par le conspirationnisme.

L'autre ordre d'arguments à l'appui de la crédibilité des discours conspirationniste est liée à leurs porteurs mêmes. Ces figures héroïques d'un monde dépeint comme manipulé et factice se regroupent en communautés d'experts auto-désignés et l'intelligence supérieure, tant individuelle et collective, qu'ils s'attribuent confirme leur mission d'éveiller les masses. Ainsi aux vertus épistémologiques indicielles propres à la méthode conspirationniste, s'ajoute ici une véritable épistémologie de la vertu (Zagzebski) consacrant le caractère exceptionnel des enquêteurs conspirationnistes eux-mêmes.