La question « Pourquoi les Grecs ? » ne prend véritablement tout son sens que dans un contexte historique où l'héritage classique perd justement de son évidence. Conjointement à l'avènement du monde moderne, une foule de nouvelles conceptions de l'éducation émergent et remettent en question la tradition fondée sur la connaissance des Grecs. L'éducation doit dorénavant être pratique, orientée vers les sciences modernes, susceptible de répondre aux besoins d'une société en mouvement; elle doit s'adapter au développement naturel de l'enfant, etc. Le débat n'est pas nouveau. Il n'en est pas moins toujours d'actualité. Ce que je propose est de faire un bref détour historique par le début du XIXe siècle pour analyser les positions de Hegel, Niethammer et Germaine de Staël. Dans les trois cas, nous avons affaire à la promotion d'une éducation humaniste tournée vers l'apprentissage de la tradition gréco-latine. Cependant, il ne s'agit pas pour autant de faire l'apologie du classicisme. Tous trois s'inscrivent dans la mouvance de la « légitimation de la modernité ». En fait, ce que proposent nos trois auteurs, c'est ce que Bernard Bourgeois a nommé une « pédagogie de la rupture ». Pour développer ses capacités réflexives, sa conscience de soi et la pensée critique, l'élève doit être capable de se considérer soi-même comme objet d'étude, mais cela implique justement la nécessité de s'extraire d'abord de ce qui nous est familier et bien connu. La connaissance de soi exige une sortie de soi, une aliénation. C'est le rôle en un sens que l'on attribue à la découverte du monde grec. La découverte d'un monde étranger, par un jeu de miroir, nous pousse à considérer avec une certaine distance et donc à questionner nos propres valeurs.