Philosophie et pensée-clown
Anne Herla  1@  
1 : Université de Liège
Place du 20-Août, 7 4000 Liège -  Belgique

Récit d'une expérience d'animations philosophiques auprès de clowns en vue de nourrir leur jeu et d'identifier un mode de pensée clownesque, dont la singularité pourrait éclairer la philosophie en retour.

Nous faisons ici le pari qu'il y a chez les clowns une forme singulière de pensée aux caractéristiques propres : exacerbation de l'émotivité, besoin absolu de s'exprimer par le corps, ancrage dans des éléments concrets, recours à l'imagination et à la métaphore, lenteur assumée (parfois accompagnée d'accélérations soudaines), goût prononcé pour l'absurde, attention extrême aux résonances des mots, usage immodéré de la dérision...

A l'aide de consignes spécifiques et de supports philosophiques, nous avons cherché à nourrir cette pensée, à lui lancer des défis, à la mettre en jeu plus frontalement, au risque parfois de faire « remonter dans la tête » et de perdre le « jouant ». Le clown est en général peu bavard, et lorsqu'il parle, il n'est pas rare que son corps « s'éteigne ». Il a donc fallu penser à diverses modalités d'interaction et d'impulsion pour l'inviter à s'exprimer, et ensuite l'entendre dans toute sa subtilité, à travers un langage qui n'est pas habituel pour le philosophe. Il s'agit bien à la fois d'apporter de la matière philosophique et de soutenir la pensée du clown par nos interventions, mais aussi d'observer cette pensée in vivo, en train de se faire, à travers de multiples écueils et d'heureuses surprises.

En aiguillonnant le clown, en le titillant, en le poussant jusqu'à ses limites, nous tentons à la fois de mieux connaître son mode de pensée, mais aussi de bénéficier de l'éclairage tout particulier qu'il peut apporter sur les sujets philosophiques abordés (la solitude, le temps, le pardon, le désordre, l'univers...) et, plus largement, sur ce que philosopher veut dire.



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