Pourquoi la philosophie politique contemporaine manque-t-elle d'imagination?
Grégoire René  1@  
1 : Université McGill
Leacock Building, 9th Floor 855 Sherbrooke Street West Montreal, Quebec H3A 2T7 -  Canada

La philosophie politique contemporaine (PPC), depuis au moins trois décennies, est dominée par le cadre théorique libéral. À travers l'analyse et l'exégèse de figures telles que John Rawls ou Ronald Dworkin, les questions relatives aux droits fondamentaux, à la liberté individuelle, à l'égalité distributive, ou aux obligations légales occupent l'immense majorité des travaux produits par la discipline. En parallèle, plusieurs travaux récents en épistémologie sociale des sciences ont tenté de définir certaines pratiques épistémiques désirables dans une communauté de recherche. En particulier, plusieurs ont défendu la nécessité d'étudier une diversité de théories et d'approches pour obtenir des consensus scientifiques valides. En comprenant la PPC comme une activité de production de connaissances, et en partant du constat de l'omniprésence du libéralisme au sein de cette dernière, cette présentation aura donc deux objectifs. D'une part, elle visera à dégager certains problèmes d'ordre épistémiques qui résultent de cette domination du cadre libéral (et ce indépendamment de la validité du libéralisme comme théorie). Plus précisément, en me fondant sur la notion de diversité transitive, je défendrai que les savoirs actuellement produits en PPC ne sont pas suffisamment diversifiés dans leurs approches, ce qui mine la capacité pour la discipline de produire des connaissances valides. D'autre part, cette présentation visera à saisir certaines caractéristiques structurelles du milieu académique qui peuvent expliquer la relative incapacité à imaginer des cadres théoriques radicalement nouveaux. Je défendrai que l'influence des politiques sociales néolibérales sur la production de connaissances en philosophie pourrait avoir comme effet de limiter l'étude et l'élaboration d'approches qui sortent des cadres théoriques dominants. Plus particulièrement, la culture du publish or perish (publier ou périr) peut avoir pour effet d'inciter les chercheurs et chercheuses à figer les canons plutôt qu'à s'en affranchir. Plus qu'un simple enjeu moral ou politique, le néolibéralisme est donc aussi un problème épistémique.


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